Paradis désagrégé. Île infernale aux allures paradisiaque sur laquelle ils survivaient face aux vagues du désespoir et de l'abandon, la violence de leur précaire condition offrait à certains la possibilité de révéler leurs vrais visages. Démarche silencieuse, elle était cette justice qui frappait et punissait sans prévenir; une carcasse qui se traînait dans les alentours de la ville, à l'abri des lumières aveuglantes du Royal et ses habitants tout aussi bruyants. Âme nomade parmi tant d'autres, elle observait sans un mot ses camarades d'infortunes exister dans ce simulacre de vie situé dans l'ombre de celle que l'on leur avait dérobé dès leur arrivée. Le saloon et son entrée clichée, les fermes et leurs terres cultivées, l'avant-poste des explorateurs et leurs cabanes surélevées : des lieux qu'elle avait visité lors de sa patrouille nocturne sans relever le moindre comportement suspect. Mais l'existence se poursuivait, la flamme de la vie persévérait et refusait de s'éteindre.
Mais qui disait vie disait vice. Et vice signifiait déviance. Et déviance égalait violence. Cercle vicieux qui la faisait retomber sur les mêmes pensées, elle ne tarda pas à croiser le coupable de sa soirée. Silhouette qui se détachait des autres, une carrure qu'elle pouvait reconnaître à des kilomètres. La bruit caractéristique de la matraque se déployant retentit dans la ruelle tandis que l'homme en question sembla relâcher sa proie. Et avant même qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, une remarque fusa dans sa direction. Sa poigne se referma sur la baguette magique télescopique et métallique tandis que son regard se fit bien plus sombre et menaçant. La demoiselle avait l'habitude d'essuyer les commentaires de ceux qui ne respectaient pas la Garde, mais cela ne voulait pas dire que les mots ne l'affectaient pas. Cependant, patiente, elle se garda de lancer à son tour des paroles tranchantes et se contenta d'observer la victime fuir à toute vitesse, s'éclipsant dans la nuit, le coeur battant. "Une chance que quelqu'un était là, effectivement." Répliqua-t-elle sans rater un battement.

Main gauche dans la poche, son index droit tapotait le manche de l'arme dans un certain rythme. Musique musculaire, pulsations qui faisaient offices de percussions, elle détendait son organisme au rythme de ses battements tandis que sa respiration certes calme s'approfondissait. Pieds bien encrés sur le sol de cette ruelle déserte et glacée, le vent et la poussière seraient les seuls témoins de ce qu'il adviendrait. Pas qu'elle comptait faire quoi que ce soit de violent, mais elle se préparait toujours au pire. Elle n'était plus d'humeur à blaguer, la lune s'était déjà levée.

Venin sur ses lèvres, Samuelle sentit son honneur s'effriter lorsque confronté aux dires de celui qu'elle avait autrefois pu qualifier d'ami. Une jalousie qui teintait indéniablement ses paroles insensées, une violence sous-jacente qui n'avait pu être déversée sur cette cible désormais hors de portée. La demoiselle l'avait empêché de dévorer une proie sans défense, elle en faisait maintenant les frais. "..." Elle ne répondit pas dans un premier temps, laissant à son esprit désabusé le temps de trouver de quoi répliquer. "Toujours ça dans l'crâne ... Je sais pas ce qui est le plus pathétique, que ça ne te passe pas après plus d'un an ou que tu sois toujours incapable d'accepter que je ne suis pas aussi mauvaise que tu aimes le prétendre."

Peut-être que les choses auraient pu se passer différemment. Dans une réalité alternative, certainement. Phrase simple qui signait la fin de cette discussion, elle ne s'attendait pas à la suite? Coup d'épaule contre la sienne, geste de dédain intense qui ne manqua pas de la brusquer, si bien qu'elle posa une main contre le mur à proximité pour se retenir de s'écrouler. " 'culé ..." Lâcha-t-elle par réflexe, son accent Aussie reprenant le dessus. Zhen la cherchait, elle le savait parfaitement. Et pourtant. Main sur son épaule, elle le força à se retourner et à lui faire face de façon à le toiser de la tête aux pieds. "Tu pensais vraiment que j'allais te laisser filer comme ça ?" Ton direct, une certaine animosité dans la voix causée par toutes les remarques désagréables qu'elle avait entendu aujourd'hui. "Qu'est-ce que tu veux à la fin ? Que j'te file ma tenue et qu'tu deviennes le putain de bras droit ?"