Les yeux des mortels se posent en illumination et adoration sur un monde qui ne leur appartient pas. Leur imagination s’envole, les porte ailleurs – dès lors que leur intérêt sur leur univers s’est effacé dans leur indignité à apprécier ce qui leur est offert. Elle tombe parfaitement coupable de ce simple fait et n’essaie même pas de le nier, de s’en réchapper – s’abandonnant à la condamnation divine qui lui est imposée de par son insolence. Pour toujours, dessiner les contours d’une réalité qui ne lui appartient pas – fut-ce qu’elle appartienne à qui que ce soit. Sans jamais que la honte ne s’invite dans le quotidien pour lui rappeler l’indécence de ce comportement.
Changeant de forme au gré du vent et des désirs d’autrui, sans jamais se poser sur ses propres pieds, ne sachant pas même qui elle se trouvait à être – elle avait toujours préféré ne pas être. S’oublier dans milles rencontres, et histoires farfelues, pour effacer le vide qui se creusait toujours intérieurement.
Ses yeux se sont ouverts sur le soleil qui se réveillait à l’horizon, apportant de douces touches colorées à un ciel éloigné. Les nuages se baignent dans un mélange de mauve et d’orange, quelques petits pinceaux de rose également, dans un mélange harmonieux pour le regard. Par la fenêtre, elle peut parfaitement observer le souffle du vent dérangeant les branches d’arbre, les faisant ainsi se remuer à son rythme égoïste. Le vent ne se soucie pas de l’état des branches, elles pourraient fendre sous sa force que ça ne changerait rien, mais telle était la nature. S’étirant longuement en baillant, elle pose ses pieds sur le sol froid de la chambre qui lui était attribuée. Cette chambre dans laquelle elle passait si peu de temps, qui ne possédait aucune personnalité. À son image.
Un espace sans rien de personnel, aux murs d’un blanc défraîchi. Aux côtés de son lit méticuleusement fait se trouvait une petite commode d’une blancheur immaculée. Sur le dessus de celle-ci traînait un livre, sa page de couverture représentait un paysage idyllique et des fées lumineuses. L’évasion vers d’autres univers est toujours appréciée. Et puis, de toutes les connaissances possédées de l’île, absolument rien n’exclue le fantastique. Qui peut savoir ? Personne.
Elle se plait à imaginer des créatures inespérées se promener dans l’épaisse brume qui les maintient prisonniers. Les rencontrer – en faire sa destinée. Sur ses lèvres se meurt un soupir alors que le froid du sol provoque un frisson le long de sa colonne vertébrale. S’étirer longuement, bailler et être prête à affronter la journée. Exploratrice, aux histoires aussi fantaisistes que les lectures dévorées, se lançant sans jamais réfléchir aux dangers exposés.
Le miroir renvoie l’image d’une jeune femme aux traits fatigués, mais doux. Elle ne porte rien de plus qu’un chandail uni aux couleurs du ciel orageux ainsi qu’un pantalon noir. Des souliers de course grises pour terminer la tenue. Et la voici prête pour l’exploration. Elle sort, posant son regard autour d’elle, sur cette végétation sauvage, et pourtant domptée dans les abords de la ville. New Heaven. Quel est ce Paradis promis qu’ils ne retrouvent point ? Un jour, la délivrance cognera à leur porte. Elle serait prête, ce jour-là, à abandonner l’île sur laquelle ils se trouvent.
Aujourd’hui, les commerces. Elle n’a pas besoin d’un objet spécifique, mais décide de flâner – de perdre le temps qu’ils possèdent trop dans cet endroit en observant des biens qu’elle ne pourrait jamais posséder par manque de tickets. Mais, elle ne s’en soucie pas – ne vit pas dans la misère, possède une chambre et peut profiter de la chaleur de l’eau sous la douche. Le minimaliste à son apogée lui convient.
Elle observe les stands autour d’elle – oublie que d’autres existent dans son champ périphérique, pour finir par marcher sur un pied qui… appartient visiblement à une autre personne, un être vivant. Dommage. Axiom aurait bien apprécié un monstre des cauchemars, ou une créature magnifique des légendes. Mais ce n’est rien de plus qu’un banal être humain. « Pardon. Je pense vous avoir déjà vu, vous n’êtes pas genre… à la bibliothèque normalement ? »