Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D’un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d’un portique fabuleux
Dans l’or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.
Son whisky a le goût sordide d'une viande desséchée sur un feu de bois. Il fait tourner le liquide dans le fond du verre, ça brille sur les glaçons comme de l'or fondu, c'est plus beau que bon. Quelque chose en lui réclame de l'alcool fort, quelque chose qui brûle le fond de la gorge mais qui réchauffe la poitrine, et le poison dans son verre n'est pas à la hauteur. Il a oublié son alcool préféré. D'une traite il termine le fond de son verre, pour ne pas gaspiller, mais c'est avec une idée fixe qu'il retourne près du comptoir pour chercher du regard quelqu'un qui pourrait l'aider à retrouver la boisson au goût de plante qu'il n'arrive plus à remettre.
Maarten : Hé.
Héler une serveuse devrait se faire avec plus d'entrain et de sympathie, mais sa contrariété face à tout ce qu'il a oublié ne lui laisse que peu de répit, peu de moments où il baisse sa garde pour s'autoriser quelques minutes de sérénité. Il a oublié qui il est, d'où il vient, il ne sait pas où il est, et ni l'alcool ni la poésie à laquelle il pense pour oublier la laideur infinie de cet endroit ne parviennent à calmer sa colère intérieure.
Personne ne vient.
Et pour cause, la seule serveuse disponible à cette heure tardive semble déjà occupée.
C'est pénible d'attendre.
Il tapote son verre avec ses ongles, les sourcils froncés. Il aime être seul mais la solitude l'ennuie.
Après quelques longues, très longues secondes à s'impatienter comme un enfant mal élevé, il jette un oeil courroucé à la serveuse, mais quelque chose cloche. Le client éméché qui ne cesse de lui parler semble la déranger. Tout dans l'attitude de la jeune femme indique qu'elle voudrait être n'importe où ailleurs que devant ce type, et son regard de proie montre qu'elle ne sait pas par où s'enfuir.
L'énergumène ne parle plus clairement, l'alcool lui est monté à la tête, et il pense probablement que le calme relatif du bar à cette heure-ci l'autorise à harceler le personnel. Dommage pour lui, la seule autre personne présente est un Garde, et un Garde perpétuellement énervé.
Maarten : Tu ennuies la dame. Hors de ma vue.
Le type a la voix hagarde, l'oeil torve, il tient à peine droit, et quand un énorme bonhomme pas commode qui fait deux têtes de plus que lui s'asseoit à ses côtés, il fait beaucoup moins le malin. D'ailleurs, le pochtron s'enfuit sans demander son reste.
Le grand blond serait presque déçu de ne pas avoir à en venir aux mains. Comme quoi, parfois il suffit de demander gentiment, comme dirait Kaïa.
Son regard dénué d'émotion se pose sur la jeune femme derrière le bar, qui n'a rien dit jusque là.
Ramener le calme, c'est dans ses cordes. Prendre soin émotionnellement des victimes, il n'est pas assez payé (et aussi, il ne sait pas faire. Enfin... il lui semble qu'il ne sait pas le faire ? Il ne sait plus.)
Elle a des traits fins de poupée. De jolies mains. Un maintien élégant mais un rien effacé. Il a l'impression qu'il pourrait la briser juste en posant sa main sur elle.
Maarten : Tout va bien ?
Maarten, tu peux mieux faire. Il soupire (ou il grogne?) et il s'asseoit en face d'elle.
Maarten : Tu devrais réclamer un Garde pour s'occuper de faire la sécurité le soir pour ne pas rester seule.