You're a haunted house. [Slowan]

Ah merde.
C’est foutu, elle a officiellement vécu sa dernière journée sur terre, enfin ou qu’ils soient. Elle est prete a rejoindre les étoiles, le valhalla, Jésus, et tous leurs potes. Les pieds devant, et dans la bonne humeur.
Et comme elle l’avait imaginé, ça ne lui fait pas spécialement chaud ou froid, il faut bien crever un jour. Elle se demandait juste si elle pouvait négocier que ses restes soient jetés dans la brume, là où elle veut se décomposer en paix, et pas dans une poubelle du coin. Franchement, en plus ça ferait chier tout le monde de ramasser la carcasse moche, autant épargner les autres et la mettre là où personne aura le déplaisir de tomber sur elle.

En regardant Slowan dans les yeux, tous les deux sur le balcon en pleine nuit, elle se demanda si elle devrait normalement voir sa vie défiler devant ses yeux. Parce que vu son amnesie, le fait que ce ne soit pas le cas, n'était pas spécialement surprenant. Mais elle n’avait pas vraiment de doute sur ce qui l'attendait, alors qu’elle le regardait bêtement, cigarette pas allumée entre ses dents. son pouce prêt à faire des clic clic sur le briquet.

Bon, elle admet, c’est sa faute. Complètement sa faute -de toute façon c'était toujours sa faute. Des qu’elle a vu Slowan, ça lui avait fait l’effet d’une énorme claque dans le pif. Il fallait absolument qu’elle lui parle immédiatement. Elle le sentait dans ses entrailles, qu’il était une figure du passé. Et si elle rejetait l'idée de revenir un jour à cette ancienne vie dont la vague existence suffisait à la rendre physiquement malade, elle n'avait pas pu s'empêcher d’essayer d'en savoir plus sur l'énigmatique barman. C'était un besoin viscéral. Et elle l’avait bien vu : lui aussi se souvient d’elle.
Et la claque dans le pif n'a pas juste été métaphorique à ce stade. Elle avait pris plusieurs beignes mais il n'avait pas l’air de comprendre qu’elle était du genre têtue, et quil fallait plus que des coquards et saignements de nez pour la faire renoncer. S' il lui avait poliment expliqué la raison de pourquoi il ne veut rien avoir à faire avec elle, peut-être qu’elle aurait écouté. Mais c’est pas en jouant les bullies de cours de récré qu’on allait finir par l’intimider.

Sur le balcon de l'étage, elle n’avait pas cherché les emmerdes cette fois, promis juré. C'était juste une de ses nuits… difficile, ou elle avait eu du mal à supporter la solitude. Elle avait hésité une seconde à aller déranger quelqu’un, mais une voix dans son esprit lui avait interdit. Personne ne voulait voir ta sale gueule de clochard ce soir, démerde toi. Ou chiale dans ton plumard comme une abrutie, après tout personne t’entendra.
Elle n’avait pas pleuré. Elle n’aime pas faire ca. A la place, elle avait décidé d’aller se griller des cancéreuses sur le balcon de l'hôtel en ruminant son mal-être. Peut-être qu’elle aurait fini par s’endormir sur une des chaises sur place et qu’elle serait descendue prendre son petit dej avec les autres ni vu ni connu.

A peine 20 secondes qu’elle était arrivée que Bim. Le voila qui la précède. Le barman et son inimitable mèche bleue qui lui fait apparaître des flash chelou dans sa tête, des flash qui n’ont même pas d’images. Juste… une étrange impression qui ne la quittait pas.
Mais il y a quelque chose de bizarre. Malgré l'obscurité, elle n’a pas vraiment de mal a voir ses joues rougies par l'émotion et les yeux qui brillent. Comme si il...
...Oh shit.
Il a l’air vraiment mal en point.

“Euh..” Fit Alcina, qui devrait plutôt décamper sans le regarder et faire comme si elle n’avait rien vu. Mais foutue pour foutue, elle lui tend son paquet -absolument pas volé- de clopes. “T’as l’air d’en avoir besoin…”

Probablement la dernière interaction qu’elle n’aura jamais avec quelqu’un. Adieu monde cruel. Elle aura trépassé comme elle aura vécu : en ouvrant sa grande gueule quand il ne faut jamais.
Et elle ne laissera même pas un beau cadavre.