Eyes contact

Tu ne prenais pas souvent du temps pour toi. Entre le travail et les responsabilités, les réunions et tes moments de solitude bien gardés, tu n’avais pas d’autres moments de libre. Pourtant, depuis quelques temps, tu te forçais à prendre quelques instants. Parce que son visage te restait en tête. C’était pas grand chose, juste une petite pique. T’arrivais pas à te dire que ce n’était qu’une coïncidence. Tu n’étais pas ce genre de ga’ qui croyait aux déjà-vu ou simplement à l’irrationalité de chaque chose. T’avais les pieds sur terre, un peu trop. Alors quand pour la première fois, y’a quelques temps déjà, tu avais l’impression de connaitre ce visage, t’étais resté quelques secondes à le fixer avant de reprendre tes activités. T’avais fini par te renseigner sur lui, mais à part son prénom et le manque de casier problématique à son égard, tu ne pouvais pas faire grand chose de plus.

Alors tu le suivais, parfois. Juste comme ça. Juste pour apprendre à le connaitre. Ca te ressemblait pas, toi qui t’en fichais de tout, du monde et des gens. Qui n’étais pas sociable pour un ticket. Tu voulais savoir, creuser plus profondément. Plus tu passais de temps à le croiser, à l’observer de loin, plus ton coeur se serrait. Tu n’avais aucune idée de pourquoi, ni de la nature de ces émotions, mais tu devais en avoir la certitude. Engager la conversation.

Tes pas glissaient entre les champs, pour finalement que ta main atteigne son épaule avec une certaine fermeté.

« Arathiel. »

Cela devait être impressionnant de voir le Chef de la garde venir t’alpaguer. S’il savait que ce n’était nullement pour le réprimander. Tu l’observes et son regard, bordel. Tu serres la machoire et tes sourcils se froncent naturellement.

« On peut parler? »

Eyes contact

Tu ne savais pas comment t’y prendre. Parce que c’était la première fois. Surement pas la dernière. Ce regard, cette voix, cette intonation. C’est comme si tu connaissais ces fibres. Un peu trop facilement. Personne ne pouvait t’atteindre ici, personne. Alors pourquoi il y avait avec beaucoup trop de facilité à tes yeux?  Tu restes silencieux. Tes muscles se tendent. Incompréhension dans ton regard. Tu devais pourtant faire face et ne rien montrer. De ta colère qui s’apaise lentement, à toutes les émotions qui passent à travers ton regard. Un mur. De glace. Tu devais garder cette apparence froide et rigide.

« Non. C’est personnel. »

Ta main desserre son étreinte. Tu retrouves tes bras croisés, cette attitude qui t’es familière. Tu ne peux pas en démordre. C’était ton gage d’autorité ici, mais aussi le visage que tu souhaitais montrer à tous. Non pas que tu cachais quelqu’un de doux derrière tout ça, mais bien quelqu’un en colère et avec beaucoup plus d’émotions que ton visage neutre pouvait offrir quotidiennement.

T’inspires, et ton regard cherche le sien. Tu savais, que personne ne se souvenait de rien. Toi y comprit. Mais tu refusais cette frustration d’être le seul à partager. Pourtant, alors que tu voulais lui demander, les mots ne sortaient pas. C’était comme si t’avais soudainement honte, bien au fond, que tu ne sois le seul atteint par cette étrange émotion. Et si c’était le cas ? S’il s’en battait les reins, s’il n’avait pas cette impression de déjà-vu ? Tu serais bien emmerdé. Et bien ridicule.

« Que fais-tu? »

Vraiment. C’était la seule chose qui t’étais venu à l’esprit aussi rapidement. Qu’importe, tu allais gérer cette conversation. Probablement sans jamais avoué ce que tu voulais lui demander de base.