are the monster made or are they born ?

L'obscurité s'était abattue sur le monde qui les entourait. Le temps cherchait à se suspendre dans les environs, les secondes ne voulaient plus s'écouler du sablier, grains de sables figés dans leur contenant de verre;
Et elle, pas à pas; se fondait dans les ombres et dans le silence de l'emplacement. Invisible aux yeux des autres;
La mort dans l'âme; la mort au bout des doigts, le sang tâchant des vêtements qui ont vu la vie défiler, la vie s'échapper - et la faucheuse qu'elle représentait qui ne s'en souciait même pas.

Elle accomplissait ce qui devait l'être, ne faisait de distinction entre l'un ou l'autre - l'âge, le sexe, la température même; rien ne l'empêchait de mener à bien ce qui lui assurait une survie certaine. Se détacher des émotions pour survivre; accepter que le bien n'a de mal que ce que le mal a de bien; que les concepts sont flous et qu'elle a le droit de les remanier à sa guise.
La faucheuse ne condamnait pas toujours; parfois - parfois, elle sauvait. Parfois, elle attrapait la main de ceux qui étaient délaissés, leur trouvait refuge, les aider à s'évader pour ne pas que leur vie se voit voler.

Le monde s'effaçait quand elle le décidait - ou plutôt, elle s'effaçait du monde et on la cherchait, ne pouvait la voir. Le surnom, elle l'avait obtenu de ceux qui l'engageaient, mais surtout, de ceux qu'elle achevait. Une flèche avait filé pour se planter dans le crâne de la cible du jour. Ignorant clairement la présence d'autres personnes. Elle était la première arrivée, elle le serait jusqu'à sa mort - l'argent qui revenait du fait que les personnes décédaient était tout ce qui comptait.

Pourtant, elle avait vu les cheveux rouges - elle avait vu l'auréole. Se laisser prendre, quelques instants, quelques secondes, semblait presque tentant. Des souvenirs d'une époque où elle s'était retrouvée en face d'une petite parlant de sauver le monde revenaient dans sa mémoire. Sourire tendre, sourire s'effaçant. Le froid qu'elle dégageait, le calme, étaient sa monnaie de survie.

they leave you stranded in their storm

Pour l'éternité, sa main s'allongerait pour abattre les mortels; pour sauver les incompris; les délaissés, les ignorés. Elle serait toujours tapie dans les ombres quand les menaces arriveraient; pour toujours serait la Faucheuse que l'on craignait, la Faucheuse qu'on attendait.
Elle n'était ni le bien, ni le mal - les sombres devaient payés, les innocents se devaient d'être sauvés; n'abandonneraient jamais les infectés à leur sort, sauf ceux qui le méritaient.

Elle choisissait. Avec précaution, s'assurait que les contrats n'aillent pas à l'encontre de ses convictions - pour toujours pourchasserait la justice qu'elle avait décidé un jour d'accomplir elle-même. Doigt sur la détente, un sourire s'était dessiné sur ses lèvres quand elle avait embrassé de plein fouet la déchéance et qu'elle s'était faite maître des ombres, maître des lieux; Faucheuse parce qu'Il n'avait jamais su faire son travail correctement.
Elle avait pris les devants.

Aujourd'hui, elle ne regrettait rien.

La Sankta se présentait devant elle; avait dégagé son équipe et la Faucheuse avait patienté. Toujours, leurs chemins se rencontraient. Toujours, le sort se jouait d'elles - et pourtant, elle, ça ne la dérangeait pas. Elle était plus rapide, plus sombre, plus efficace. Elle achevait ceux qui devaient l'être, ceux qui avaient fait tant de torts, tués les infectés, les avait torturé - elle, elle sauvait ces derniers, les escortait hors des territoires qui les enfermaient, leur trouvait refuge.
((Elle leur offrait ce qu'elle n'avait pas))

À son désir, à son appel silencieux, les ombres s'écartaient d'elle pour la laisser apparaître dans la lumière de la lampe torche et son sourire aussi froid qu'énigmatique flottait toujours sur son visage. Autrefois, la Sankta avait été une enfance avec des rêves plein la tête qui regardait la Faucheuse avant tant d'étoiles dans les yeux; aujourd'hui ne restait que le dégoût et l'amertume du sort qui était contre elles, ou avec elles. Tout dépendant du point de vue. « Comment peux-tu arriver toujours après moi ? Un jour, la roue va tourner, ne t'inquiètes pas. »

our consciences are always so much heavier than our ego

Le sang avait l'odeur désagréable qui tâchait, hantait; cette effluve qui la poursuivait peu importe où elle se rendait; l'avait trop fait couler pour que ses crimes ne soient pardonnés et pourtant...La Faucheuse résonnait de la paix qu'elle avait trouvée en elle.
Des sombres détours; des ruelles obscures et des contrats douteux, elle avait laissé la substance qui s'écoulait du corps des autres tâcher le sol qu'elle avait foulé quelques secondes auparavant en apprenant à fermer les yeux, faire demi-tour. Elle punissait ceux qui étaient sauvés autrement.

Elle affirmait sa propre justice.

La soirée où la détente avait été appuyée avec un sourire aux lèvres, sa condamnation avait été embracée avec tranquilié, son âme au repos. Toutes anciennes croyances balancées, envoyées dans le vent alors qu'elle avait su qu'à cet instant précis, elle prenait sa vie en main.
De cette réputation obtenue, et de son apparence particulière, inusitée - apparence qui se démarquait dans cet univers si droit à sa façon; si tordu toutefois; elle avait avancé, trouvé la façon de survivre. Mais surtout, de nourrir autant son ego que sa conscience.

Ombres écartées et sourire affiché à la Sankta se tenant devant elle, ses lèvres pincées toujours dans un rictus éternel - elle avait délicatement haussé les épaules. Pas le moindre regard pour la victime. Aucun regret ne la sauverait, de toute façon. « Peut-être qu'Il estime avoir besoin d'un peu d'aide pour nettoyer la terre des ordures qui y traînent. » Qu'en savait-elle ? Elle agissait. Elle avait renié ses croyances depuis bien longtemps, n'avait plus jamais prié depuis que sa mère avait été arrachée aux griffes de la vie en portant sa soeur en elle. Deux tombes pour un corps, et un père terrifié de perdre celle qui lui restait et pourtant, si dépressif. Enterrer avec les défunts ce Il qui avait bercé son enfance.

Parce qu'elle n'entendait personne quand elle priait le soir.

« Dis-moi... à quel point manques-tu de confiance en toi pour assumer que je pense à un manque de compétences ? » Le sarcasme s'étendait au sourire désormais, et le venin dans la voix chercherait presque à blesser alors qu'elle se tenait droite. La Némésis de la Sankta se tenait prête à se confondre de nouveau dans les ombres si c'était nécessaire. « De mon côté, je pensais à un jeu malsain des cartes. »

are you one of us ? are you one of us ?

Elle portait son titre comme une cape; elle le déployait comme une carte d'accès. Sans hésitation, elle se plongeait dans les contrats - et la vie se retirait sous ses doigts habiles. La Faucheuse avait toujours été première, se jurait de toujours l'être - sans jamais laisser entrevoir la moindre possibilité d'échecs. Sans jamais que le rictus moqueur ne devienne irritabilité; car cette Sankta parvenait tout de même à jouer avec ses nerfs. Ne jamais le laisser planer.
Son regard froid se plongeait dans celui de la Sankta, alors qu'elle ne pouvait s'empêcher d'observer en biais l'auréole brillante qui, toujours, l'empêchait de passer inaperçue. Qu'est-ce que ça devait être compliqué d'être une lanterne vivante.

La Faucheuse avait fait la paix avec son auréole assombrie;
Avec les cornes au-dessus de sa tête -
La paix avec sa déchéance. Elle n'attendait rien de Lui, ne cherchait pas non plus à se relier à Son existence. Quand il avait laissé sa mère sans protection; il avait perdu tout respect à ses yeux - quand son père s'était perdu dans le deuil et la souffrance;
La Faucheuse avait pris les rênes de son existence.

Elle était demeurée quelques instants immobile dans la lumière qui détachait sa silhouette; avant que les ombres n'entourent sa personne - avant qu'elle ne s'évanouisse et que la lampe n'éclaire plus que le vide. La Faucheuse s'était volatilisée, mais dans les airs, son rire moqueur résonnait. Silencieusement, elle s'était approchée de la Sankta si certaine du bien dans ce monde - de cette Sankta incapable du moindre pêché. Et pourtant, qui s'adonnait aux mêmes sombres activités que tous ceux qu'elle pourchassait, sans même le réaliser. Parce que les ordres le demandaient.
Un jour, cette Sankta allait tomber de haut. Et ce jour-là, la Faucheuse sera là pour l'observer. « Il a besoin de moi davantage que tu ne peux l'imaginer. » murmura-t-elle une fois suffisamment proche pour être entendue. Rapidement, s'éloigner - pour ne pas se faire attaquer; sous la surprise ou la colère. « La vie est un jeu. Un vaste jeu. Donc le game over est définitif. Sais-tu combien d'enfants voient cette fin ? Parce qu'ils sont infectés ? Sais-tu combien de parents se retrouvent séparés de leur enfant parce que leur pseudo gouvernement n'accepte pas les infectés ? Combien d'abandonnés, de délaissés, de morts de faim, de morts de soif, de morts dans une tempête parce que personne a jugé bon de venir les aider parce que ce sont des infectés ? Ne viens pas me parler de rédemption. Ne viens pas me dire qu'Il me donne des chances. Ne viens pas me dire que je les refuse. Quand toi-même t'abandonnes à leur sort des milliers d'innocents chassés injustement sous prétexte que tu n'as pas de mission là-bas. La journée où tu tiendras dans tes bras un enfant hurlant qu'il veut sa mère, mais que tu dois l'amener loin sinon il se prend une balle dans la tête, tu viendras me reparler de justice. » Cette fois-ci, la colère vibrait dans sa voix. Toujours masquée par les ombres, son corps entier tremblait. Elle était leur sauveuse, pour ces enfants - elle était leur ange gardien, elle était leur refuge. Elle venait leur porter des repas, le soir.
Loin de l'odeur métallique du sang des corrompus.

« Tu ne cherches pas à m'aider, tu désires me dompter. Ne mélanges pas les deux. » Le poison suintait dans sa voix, glaciale, alors qu'elle avait repris sa place initiale - mais ne s'était toujours pas révélée de nouveau à la lumière.

do you want me dead or alive to torture for my sins ?
Colère vibrante de l’autre côté, ruisselant sur la Faucheuse sans l’atteindre. Immobile, de glace – peu impressionnée par les efforts de la Sankta; presque amusée même par cette soudaine vivacité, elle ne bougeait pas. Elle attendait que la vague s’apaise. Combien d’énergie cette prétendue sainte avait-elle dû prendre pour déblatérer autant d’idioties naïves ? Cette Sankta se retrouvait en haut du monde, s’effondrerait et tomberait bien bas quand la réalité la frapperait. Cette dernière n’était pas douce, n’était pas conciliante, ne se préoccupait pas de la capacité à encaisser de la cible qui se trouvait sous l’épée de Damoclès. Si son anathème provenait des gestes qu’elle avait posé; la Faucheuse les assumait.
Elle s’était tenue droite, silencieuse – elle n’avait rien démontré. La colère qui avait vibré s’était effacée lorsque celle de son interlocutrice avait explosée. Il ne demeurait que la moquerie insidieuse qui embaumait l’air alors que la Sankta s’essayait à une morale dérisoire – hypocrite. Tâchée de faux semblants et de failles qu’elle ne semblait même pas en mesure de voir. C’était aussi désolant qu’une bonne occupation. « … Eh bien. Je ne te savais pas capable d’autant d’énergie. » Cynisme à peine voilée sur un ton aussi glacial que la température pouvait l’être par moment. La Faucheuse était instable, imprévisible – continuerait pour toujours de l’être. Pour l’heure, elle était mesquine. « Mais ici, la seule personne qui le loisir de se mentir à soi-même, c’est toi. »

Elle avait laissé sa voix mourir autour d’elles; le silence les entourer encore quelques secondes, quand la Sankta avait proclamé qu’il n’y avait rien à signaler. La coupable se trouvait dans cette pièce; mais nul ne pourrait l’attraper. « Ils ne répareront jamais leurs torts. Ils trouvent plaisir dans l’anarchie qu’ils provoquent. Ton optimiste sera ta perte. » Un arrêt alors qu’elle la dévisageait. « S’Il t’a désigné, Il aurait dû t’apprendre Ses vertus. Le pardon est ce qu’Il proclame. Aimer son prochain, n’est-il pas ? Ne parles pas en Son nom si tu n’es pas en mesure de t’abstreindre au jugement. Tu ne connais rien de moi. Je ne cherche pas à me donner une morale, Samuelle. » Ses mots étaient des armes qu’elle savait manier à la perfection; quand son prénom, comme poison, s’était échappé de ses lèvres. « Je suis autant le bien que le mal, je navigue entre les péchés et la rédemption; je ne cherche pas à être un ou l’autre. Un jour, tu apprendras que le monde ne se divise pas en noir ou blanc. » Dans la noirceur, la lumière trouvait toujours une place. Dans la douleur, le bonheur s’imposait. Le bien n’existait que parce que le mal se propageait. Entre eux, le flou, le gris. Le plus présent. L’incertitude que tant craignait. Elle se l’était appropriée.

La Faucheuse s’était éloignée. Bientôt, les ombres seraient solitaires. « J’assume mes responsabilités, tu rejettes les tiennes. À la prochaine. » Un jour, la Sankta s’effondrerait quand elle s’affronterait à la réalité qui l’entourait. Aux actions posées qui s’éloignaient des croyances conservées. Mais ce n’était pas le rôle de la Faucheuse de s’en préoccuper. Elles se retrouveront.