how the hell you're dreaming
when the world's a nightmare ?

Souffle glacial qui se mourrait sur les lèvres asséchées. Regard aussi bleu que le ciel la surplombant, aussi sombre que la brume les emprisonnant - elle se trouvait encore une fois sur cette plage, encore une fois entourée par l'immensité de la brume, de cette île. Mais rien ici ne l'intimidait; tout ici la dégoûtait, la dérangeait, la frustrait. Elle s'enrageait de l'immobilité à laquelle ils étaient forcés; par l'impossibilité de se souvenir de quoi que ce soit. De cette identité perdue, volée - des cicatrices racontant des histoires dont elle n'avait pas la moindre réminiscence.

Elle quittait très souvent les murs de sa chambre, claustrophobe, paniquant, s'énervant - tigresse enragée, fauve en cage. Ici même, elle l'était toujours; facilement faisait les cents pas, cherchait une nouvelle idée, une nouvelle potentielle possibilité de fuir. S'évader pour se retrouver. Elle ne craignait pas. Elle ne craignait pas ce qu'elle ne connaissait pas; l'inconnu était toujours mieux que cette île aux tickets de rationnements, et à la vie aussi monotone que l'étaient les films muets. Elle refusait de laisser tomber. Était-elle aussi tenace depuis toujours ou l'était-elle devenue ? Elysian croyait sincèrement et profondément qu'elle n'avait pas pu se révéler souainement tenace, si cette persévérance ne résidait pas en elle dès le départ. Elle qui s'était réveillée en s'imaginant qu'Il allait leur venir en aide; aujourd'hui le détestait et lui reprochait l'entièreté des problèmes des insulaires.

Elle n'était pas une exploratrice, ni une éclaireuse - n'avait jamais souhaité le devenir; n'avait jamais souhaité se plier au conseil sous quelques manières que ce soit. Elysian était une rebelle - elle était convaincue d'avoir "ça" dans le sang; refusait de se plier à quelconque autorité jugée puérile et inutile. Impuissante. Le conseil ne pouvait rien pour les sauver; il ne valait pas mieux qu'eux tous.
Encore une fois, elle s'apprêtait à se plonger dans une brume aussi menaçante qu'interdite; lorsque son regard défiant se posa sur elle. Elle ne la connaissait pas, ne voulait strictement rien savoir de la connaître. Sa chevelure rouge se détachait dans l'horizon beaucoup trop aisément. Fait chier. Évidemment, elle l'avait vu. Un rictus déformant le coin de ses lèvres, Elysian lui fit un signe de la main avant de se mettre à courir. Hors de question de se faire attraper.  

tell me something that i'll forget

Colères furieuses sous le bout des lèvres;
Douceur effacée, n’existant que dans le fantôme de son être;
Elysian ne donnait pas le moindre soupçon d’attention positive aux insulaires; n’avait pour celle qui venait d’apparaître sur cette plage qu’une amère haine profonde. Elle avait tous les droits de poursuivre la recherche de leur porte de sortie; pourchasser la brèche et trouver le mystère de cette brume horripilante.
Elle la dévisageait, un éclat mauvais dans les prunelles - insouciante de l’agacement de ce bras-droit dont elle ne se préoccupait même pas. Tout ce qu’elle voulait, c’était la tourner au ridicule, lui démontrait son impuissance. L’enfoncer peut-être même; parce qu’elle avait le malheur de tenter d'empêcher Elysian de faire ce qu’elle désirait.

Rictus amusé;
Rictus mauvais;
Sur les lèvres;
L’amertume qui s’y goûte.

« Attrape-moi ! » Pas de vouvoiement - cela sous-entendrait qu’Elysian possédait une once de respect pour sa semblable. Mais elle n’avait que dégoût et répugnance pour cette chevelure rouge toujours prête à la chasser, l’empêcher de s’enfoncer dans la brume.
Elysian ne serait jamais domptée, ne serait jamais obéissante. Elle ne serait jamais apprivoisée. Elle ne se rendrait pas - toujours, elle les ferait courir. Jusqu’au jour où elle leur ferait comprendre tout l’estime qu’elle leur porte, à ce conseil qu’elle juge aussi utile et d’intérêt que les poubelles que les concierges sortaient tous les jours.
Il n’était plus dans son coeur, Le reniait sans aucun précédent - n’avait pour croyance que sa propre personne; ne comptait que sur son unique être; s’amusait des règles, les contournait, les méprisait. La méprisait.

« J’parie qu’t’es pas capable. » Défi lancé sans aucune hésitation, confiante de ses capacités à se hisser sur les toits, sa rapidité à escalader les obstacles, sa main qui s’était accrochée sur la roche à proximité pour creuser un écart entre elles deux le temps de se rapprocher de la pseudo ville où tous évoluaient. Courir jusqu’à la ville et aussitôt, s’empresser d’utiliser tout ce qui était à sa proximité. Ses mains qui s’agrippent au matériel d’un escalier de secours, qui s’en sert pour tenir, maladroitement, et pourtant avec tant de certitude, sur le rebord d’une fenêtre lui laissant la possibilité se hisser sur un toit. Regarder brièvement en arrière, sa poursuivante ne devait pas être si loin.
 

you look like my next mistake

Elle allait l'amener loin;
Au plus profond de l'enfer -
Ensembles, elles brûleraient pour l'éternité.

Elysian ne la connaissait pas; ne voudrait jamais savoir quoi que ce soit de sa personne. Jusqu'à vouloir tout connaître de cette Némésis qui ne cessait de contrecarrer tous les plans de liberté qu'elle pouvait échaffauder. Dans sa course contre la montre, contre le monde, contre soi-même; elle y amenerait le plus d'âmes possibles.
Les blessures muettes, invisibles, inconnues, laissaient pourtant tant de traces qu'elle ne pouvait effacer. Les cicatrices parlaient, racontaient une histoire qui ne demandait qu'à être entendue. Elysian gardait silencieusement la certitude d'un passif de trahisons, de blessures aussi physiques qu'émotionnelles, d'une souffrance qui s'étendait, sans jamais afficher de drapeau blanc.
Elle avait la certitude que son coeur avait été autant lacéré que son corps.

Persuadée que l'abandon avait été au rendez-vous;
Que sur les lèvres, le goût amer de l'absence s'était imposé - surement à plusieurs reprises. Elle attendait de savoir; gardait ses impressions sans fondement tout au fond d'elle.
En attendant, elle entraînerait cette garde avec elle;
dans sa descente, dans sa chute.

Elysian avait cessé d'espérer se souvenir - avait laissé tout se fondre dans le magma de sa colère, grondant en elle, tout au profond de son être. N'avait pas laissé tomber les espérances d'une porte de sortie masquée quelque part dans cette brume; cette persévérance qui était sa marque de fabrique. Il fallait toujours se relever quand on s'effondrait; les écorchures sur les genoux n'avaient rien de douloureux.
Rien de suffisamment destructeur.
« Attrape-moi ! » Défi lancé au gré du vent alors que sa main s'accrocha à une brique, que ses ongles se plantèrent par la suite dans sa peau, quand ses pieds la réceptionnèrent habilement sur un autre toit. La garde était distancée, encore sur un autre bâtiment. Les yeux de la rebelle brillaient d'une haine mauvaise, d'une lueur empoisonnée, alors qu'elle les posa sur ce qu'elle considérait comme une nuisance aux cheveux rouges. Trop rouges.

i can show incredible things

Chevelure bleue habilement entretenue qui flottait sous les caprices du souffle du vent - alors qu'elle s'était approchée du rebord du toit. Son sourire ironique, aussi charismatique que cynique, affiché sur ses lèvres, était presque figé. Elle la dévisageait sans se gêner. De haut en bas. Retenir tous les détails de celle qui lui rendait la vie difficile; de la garde dont elle transformerait le monde en cauchemar.
« Et tu penses que j'allais sagement rester ici ? Vous êtes pas fichus de trouver quelque chose, comme si j'allais être un putain de lion en cage pour vos beaux yeux ! » venin craché au visage plus bas. Elysian répugnait le conseil et tous ceux qui le composaient.

Cette flamme de dégoût qui sera continuellement entretenue; par sa propriétaire et par sa poursuivante. Elles se toisaient désormais. Elysian ne sut pas dire combien de temps s'était déroulée en attendant la réponse de la garde, mais elle ne patienta pas une éternité avant de se retourner - de continuer à courir. La chasse n'était pas terminée.
Elle était le prédateur.
Elle ne serait jamais la proie.
Elysian savait ce qu'elle faisait : elle était dans son élément. Courir, escalader, rapidement comprendre où poser les mains pour ne pas rejoindre le sol. Elle savait le faire mieux que quiconque et les bâtiments de New Heaven ne lui faisaient pas peur.
Elle savait escalader, elle.

Elle continuerait sans cesse à s'échapper; s'échapper de la garde, et trouver le moyen de s'évader de l'île en les abandonnant tous en arrière sans aucun regret, sans aucune crainte. S'échapper de tous, jamais s'enfoncer dans les filets de l'attachement.
Parce que s'attacher, c'était courir la chance d'être brisée. Et Elysian avait cette terrible impression qu'elle n'avait plus grand chose à perdre de son coeur.

magic, madness, heaven, sin
 

Pendant des heures;
Elle aurait pu fuir.
Elle avait la capacité physique d'escalader et courir sans trop ralentir; sans trop chercher son souffle - cette capacité de s'éloigner rapidement de ce qui tente de l'attraper sans trop y penser après coup. Elysian avait maîtrisé l'art de la fuite sur tous les plans. Se moquant catégoriquement de tout ce qui pouvait se penser; se moquant catégoriquement de la chevelure rouge qui essayait de la rattraper. Si elle le voulait tant, elle aurait à redoubler d'efforts. Pour l'heure, Elysian n'avait pas le sentiment qu'elle serait attrapée - capturée, détenue captive dans leur prison qui n'apprenait pas les bonnes manières aux insulaires, autrement elle ne serait elle-même pas encore à essayer de s'inviter dans la brume.

C'était sa survie qui comptait - c'était sa survie qui était en jeu.
Ici, c'étaient leurs survies. Et elle refusait de mettre tout entre les mains d'un Conseil qui semblait prendre davantage d'envie à contrôler leur existence plutôt que de leur donner une once d'espoir qu'un jour ils puissent retrouver les connaissances de leur identité - Elysian désirait plus que tout se retrouver. Avait-elle une famille, quelqu'un qui attendait son retour ? Ou était-elle seule, sans personne qui espérait tous les soirs la voir passer le pas de la porte ?
Avait-elle des animaux, qui n'existeraient sans doute plus désormais, qui avaient attendu indéfiniment pour qu'elle revienne les nourrir et s'occuper d'eux ? Avait-elle quoi que ce soit qui valait la peine d'être préservé et adoré dans cette vie dont elle ne se souvenait d'aucun détail ?
Ne pas savoir laissait des pièces manquantes dans la construction de son identité. On était ce que les souvenirs forgeaient de nous - elle était vide de souvenirs en dehors de ceux forgés sur cette île.

Elle voulait croire qu'elle avait été aimée. Que pour quelqu'un, un jour, elle ait été quelqu'un - qu'elle ait revêtue une importance qu'on ne pourrait jamais lui retirer; mais sans se souvenir de quoique ce soit, il était complexe de tenir à un espoir vain d'avoir un jour briller dans le regard d'un autre.
Les sentiments, les émotions, l'attachement, n'amenaient qu'à la perte et la destruction - c'était son désir si puissance d'avoir compté qui la déchirait quand elle tentait de se remémorer un passé hors de portée.
"Et vous ? Avez-vous trouvé quelque chose ? Pourquoi vous auriez plus de mérite que nous à chercher une sortie ?"
Ils cherchaient désespérément à former une hiérarchie et une possession de pouvoirs en bannissant les insulaires un peu trop bas dans cette nouvelle pyramide de la recherche d'une faille dans cette brume. Elysian les détestait - entretenait à leur égard une haine sans précédent, sans limite - ils payaient pour sa présence ici. (Elle avait toujours eu besoin d'un bouc émissaire)

Et puis; dans son ascension;
Un hurlement qui arrêta tous les gestes -
Son propre souffle qui se suspendit à ses lèvres quand elle se retourna pour observer la bras-droite se balançant dans un vide, s'accrochant avec toutes ses forces au rebord du bâtiment. C'était le terrain de jeu d'Elysian, ce le serait toujours. Elle avait été stupide de croire qu'elle pouvait rattraper la rebelle - qu'elle pouvait la devancer, dans une course-poursuite sur les toits.
Sans attendre, Elysian s'élança, descendit de où elle se trouvait, pour attraper le bras de la chevelure rouge et la hisser sur le toit.
Elysian n'était pas une meurtrière. Dans son coeur se gonflait la rage, la fureur la plus violente, pulsant à ses veines et démangeant le bout de ses doigts; mais elle n'avait pas le désir d'observer quiconque perdre la vie sous ses yeux.

"Ne jamais surestimer ses capacités si on veut survivre." S'éloigner hors de la portée de la main de celle qu'elle venait tout juste de sauver - ne jamais désirer se faire attraper. Elle la narguait presque en l'observant.
"Tu ne gagneras jamais sur les toits. C'est mon terrain de jeu." Et ici, le game over n'était rien de plus que l'arrêt des organes.
 

Qui était-elle?
Qui avait-elle été? Identité perdue, enfouie sous la rage ardente qui résonnait. Elle était aussi paumée que tous ceux qui l'entouraient; mais ne le montrerait jamais à qui que ce soit. Sa langue comme arme et les mots comme projectiles – elle se masquait derrière le cynisme comme barrière de protection. Elysian avait dévisagé sa poursuivante en se mordant l'intérieur des lèvres, essayant en vain de comprendre la motivation de cette chevelure de flammes. Pourquoi avait-elle tenté quelque chose qui aurait pu la tuer, sans pouvoir compter sur le moindre élément externe pour voler à son secours, en sachant pertinemment que c'était voué à l'échec?
Incompréhension enflammant ses prunelles alors qu'elle soufflait légèrement, silencieusement, en l'observant. Les paroles ne valaient aucune réponse – Elysian n'offrirait rien au membre du conseil qui se trouvait devant elle. C'était une course – poursuite si habituelle entre elles deux.

i can't be myself when i'm with anyone

Hausser les épaules. Il les avait peut-être abandonné, mais cette femme ne méritait pas de rejoindre l'après-vie. Surtout que sans Lui, qu'est-ce qui les attendait? Âmes errantes, sans aucun but, condamnées pour l'éternité à chercher leur chemin. Ni Paradis ni Enfer.

« Y'a pas d'quoi. Je ne te déteste pas. » Elle était agaçante, elle était chiante – trop engluée dans l'idée de créer une société dont tant de gens ne voulaient strictement rien savoir. Mais Elysian ne la détestait pas outre-mesure. « Pas plus que les autres du moins. » Elle tenait en horreur le Conseil en lui-même, comme entité, leurs idéaux et leurs tentatives désespérées de régner. Refusait catégoriquement de se plier aux désirs de ceux-ci, d'accepter les règles et lois imposées. Elle était le mouton noir, ancrée dans sa rébellion – mais ne détestait pas l'humaine qui se trouvait derrière le rôle qui avait été choisie.
Simplement son rôle.
« Je déteste ton rôle. »

Elysian avait baisser les armes; avait accepté une trêve temporairement – ne se révèlerait pas pour autant à cette justicière. Simplement, la chasse était terminée pour aujourd'hui et elle avait accepté de s'asseoir elle aussi, à une distance plus que raisonnable de l'autre, mais elle s'était posée sur le toit. « Je ne veux pas faire partie d'une société. » Elle était calme, Elysian – le venin était toujours présent dans sa voix, mais bien moins virulent qu'il pouvait l'être. Elle avait regardé le ciel qui les surplombait, qui n'avait rien du ciel qu'elle connaissait, dont elle se souvenait. Elle ne voulait pas de supérieurs, de personnes plus hauts qu'elle qui décidaient pour tous – elle refusait la loi, la régularité.

Anarchiste assumée, se baignant dans le chaos de sa propre existence, violence marquée sur son corps, violence dont les effluves lointaines n'étaient que cicatrices, sans aucune histoire connue. « Je ne crois plus en rien. Sauf peut-être que cette putain d'île est l'Enfer qui nous était réservé et qu'on était tous des personnes autrefois qui ne méritaient pas le Paradis. C'est la seule explication logique. Nous sommes tous enfermés ici sans aucune possibilité de sortie parce que c'est la Punition qui nous était destinée. » Doucement, les morceaux se mettaient en place. Il ne les avait pas abandonné, Il les avait puni. Il avait décidé que sa miséricorde ne pouvait pas être adressée à toutes les âmes qui se trouvaient ici et que le seul sort qui pouvait leur convenir était l'Enfer.
Ils n'étaient pas sur une île réelle,
Ils étaient en Enfer.

« Tu as raison, j'en ai rien à foutre. Je ne veux pas d'une société, je ne veux pas obéir à des personnes qui ont décidé que c'étaient leurs décisions qui avaient le plus de sens et d'intérêt. Je ne veux pas écouter des personnes autoproclamées en mesure de construire cette société. Je veux faire ce que je pense le mieux pour moi, et je veux essayer de mon côté. Je n'ai pas envie de me soucier de lois que je ne trouve pas logique. » Ce n'était pas si compliqué, au final. Elysian n'était pas bâtie pour écouter les ordres des autorités; caractère purement contradictoire, tendances à l'opposition si imposantes qu'elle ne pouvait réprimer. Elle n'était pas faite pour suivre le troupeau. Elle était le loup qui les attaquait.
 

Leur anathème s’écriait de par leur présence en ces lieux étranges et hostiles. Cette île qui les isolait d’eux-mêmes et des autres. Sentence et damnation étranges et incompréhensibles sans aucune indication pour leur permettre d’atteindre la rédemption – antipathie palpable dans ses prunelles enflammées qui dévisagaient le bras-droit qui était tout près d’elle alors qu’elles n’esquissaient le moindre mouvement. La proie et le prédateur qui se faisaient face et interchangeaient leurs rôles constamment.
Cynique sourire qui étirait ses lèvres asséchées – « On est quitte, en effet. » Animosité réciproque qui les séparait, qui les opposait, champ magnétique entre les deux qui provoquaient des étincelles dès qu’elles s’approchaient. Elysian aurait pu la laisser tomber, s’écraser sous le sol qui les attendait en bas; mais de rebelle, elle n’allait pas devenir meurtrière. Peut-être l’avait-elle déjà été, impossible de le savoir, ne répéterait pas les actions ici. Insulaire qui avait décidé de prendre le chemin de le rébellion en tentant d’épargner le plus de vies possibles, ne souhaitait pas tâcher ses mains d’un sang innocent.

« Je ne vois pas d’autres explications. » La hargne profonde dans ses prunelles alors qu’elle observait les alentours – le Paradis leur avait été refusé, et ils brûlaient dans un Enfer atypique sans qu’on accepte de leur expliquer les torts commis. Si ce n’était pas les actes du Seigneur, c’était alors sous sa supervision et ce n’était pas mieux. Le renier parce qu’elle ne pouvait supporter de savoir qu’Il les avait délaissé ainsi – Le renier parce que c’était la seule possibilité de finalité. « Si ce n’est pas l’enfer, Il a accepté qu’on y soit envoyé ainsi, Il ne fait rien pour nous aider, Il est d’accord. » Il les avait abandonné en ce lieu maudit et elle ne pouvait l’encaisser.
Anarchie comme mode de vie et pensées qui se propageaient comme des parasites. Elle ne resterait pas sagement à attendre qu’on vienne la chercher, ou que le Conseil comprenne comment les sortir de cet endroit damné.

Haussement dégagé des épaules. Aurait-elle dû se sentir agressée par les paroles qui ne faisaient que décrire la vérité ? Effleurer de ses constats la surface de sa personnalité. «  Je suis égoïste, c’est vrai. » Survivre et laisser les autres se débrouiller; protéger les plus faibles quand elle les voyait, mais ne pas soustraire ses besoins pour les autres – se privilégier parce que personne ne le ferait à sa place. Elysian ne prétendait pas la générosité et la bonté d’âme; s’enfonçait dans ses travers sans aucun désagrément.
Écouter sans trop savoir où la déclaration se dirigeait – d’une oreille un peu distraite, un peu inintéressée. « Penses ce que tu veux de moi. » Son avis n’affectait pas les émotions de la rebelle – pour toujours anarchiste et chaotique, pour toujours elle-même, contre toutes les vagues violentes qui pourraient s’abattre sur son existence. Et pourtant… « Mais je ne suis pas cruelle. Je ne condamnerais pas les gens d’ici à cette île si je venais à trouver une porte de sortie. » Égoïste, individualiste, mais pas cruelle – pas insensible, pas condamnatrice. Ils brûlaient suffisamment déjà pour qu’elle ne les attise en les laissant se consumer dans l’amnésie qui les drainait.

Se lever sans répondre – la gravité n’avait pas de poigne sur son corps habile quand elle se balançait, les mains agrippant les lignes entre les dalles pour se laisser atterrir souplement à l’étage inférieur. Sa main entoura la matraque. « Attrape. » Ordre lancé – mais était-ce un ordre ou est-ce que ça tenait davantage d’un conseil ? Nul ne pourrait savoir alors qu’elle lançait l’objet et remontait.
Il fallait croire que la trêve avait été lancée – au moins pour quelques heures. Le temps de reprendre la respiration, le temps de réaliser que la vie coulait toujours dans leurs veines peut-être. « Je sacrifierais toutes les secondes qui composent mon existence à trouver une sortie, que ce soit avec votre accord ou non. Je n’ai pas d’estime pour votre conseil, j’en aurais jamais. Mais le jour où je trouverais cette putain de sortie, ou comment se faire pardonner, je le dirais. »
Elle était humaine.
Elle puait son humanité, la reniait presque – mais toujours l’était.

 

on s'est connu le temps de plaire
aux exigences qu'on s'est créées, mais on s'y perd

Adepte du chaos, inscrite dans l'anarchie éternelle, se délaissant des croyances et reniant le Tout Puissant qui les avait délaissé sur une terre sans barreaux, mais aux apparences de prison. Les lois ne seraient jamais suffisamment importantes pour la faire flier; ne courberait jamais l'échine face aux plus hauts, aux plus forts. Aux auto-proclamés d'un Conseil ridicule qui cherchait à faire régner une paix qui n'avait point lieu d'être. Elysian évoluerait toujours dans cette violence prenant racine dans sa hargne bouillante, ardente. Flammes dans son regard, Enfer qui l'accueillait à bras ouverts, elle avait dévisagée celle qui lui faisait face.
Le bleu et le rouge se mêlaient bien; mais entre elles; ce n'était qu'antithèse.

Rebelle avant d'être humaine, humaine avant d'être Damnée - Elysian avait laissé une distance entre elles, mais celle-ci ne serait jamais suffisante pour empêcher la bras-droit de reprendre la course poursuite, ce qu'elle ne fit pas. Drapeau blanc levé le temps d'un instant. Le souffle s'était suspendu, le temps ne s'écoulait plus. Une trêve dans leur chaos, dans leur guerre incessante.
Elle contemplait la matraque qui semblait être une suite même de la personne qui lui faisait face, la jalousant presque de posséder un tel objet si important; elle qui ne possédait que les cendres d'une amnésie détestée. La colère serait pour toujours la source même de sa motivation à avancer, à poursuivre - à exister.

Connaître les toits par coeur comme si c'était sa maison même - savoir chaque recoin, chaque détail de ces lieux, pour le temps qu'elle y pensait, y trouvant la paix recherchée loin de tous ceux ne sachant grimper. "Il y a une échelle sur le toit juste à côté. Prends-la, ce serait plus simple et tu ne risquerais pas de te rompre le cou de nouveau." Sauver une fois; pas deux, n'est-ce pas ? Elysian avait observé les alentours - ne souhaitait pas jouer constamment au héros. Ce n'était pas un rôle qui lui convenait, se complaisant davantage dans celui d'opposant.

Elle s'était levée, s'étirant - elle serait l'ange déchu, elle serait la combattante éternelle, elle prendrait dans sa main le rôle de rébellion, celui de Bélial - elle allait activement incarner le mal, Le renier parce qu'Il a failli à Ses promesses. "Vas-y. De mon côté, je vais essayer de trouver un indice. Je vais me battre pour ceux qui ont arrêté de croire, je vais me battre pour Le contredire, pour l'Opposition. Et quand je trouverais la sortie, je viendrais tous vous chercher." Elle ne connaissait pas l'abandon; la persévérance brillait dans ses prunelles.
Se réceptionner habilement sur le toit inférieur. Idée en tête qui ne s'en irait pas; la brume serait à sa merci - ou peut-être que ce serait l'inverse. "Je continuerais de fuir." Promesse lancée au vent. Jamais Elysian ne se laisserait attrapée volontairement.

Armistice temporaire jusqu'au jour où la réalité reprendrait son cours; discussion posée pour des secondes précieuses qui s'étaient écourtées. Elles s'étaient brièvement révélées l'une à l'autre dans leurs croyances et désirs sur une île maudite. Pour le moment, elle irait se glisser dans la barrière qui les séparait d'un monde qu'ils avaient perdus, auquel ils avaient été arrachés.
Samuelle avait su allumer une étincelle de curiosité dans l'esprit de la rebelle - toutes deux se retrouvaient dans la même Foi abîmée.