Volcan en éruption - ville ensevelie. Les cendres ne s'enlèvent pas. Il ne reste que les vestiges d'un passé qu'on tente de déchiffrer - en vrain. Paupières ouvertes sur un monde désolé; sur le reste des espoirs d'une civilisation, aux amères souvenirs d'un cauchemar prenant racine dans la réalité. La douleur fantôme de la cicatrice gardait la violence de l'instant où elle fut créée. Même si plus rien ne restait de cet instant... sauf le petit souvenir de son éveil. Sydney et un chèque. Dans quelle merde s'était-elle plongée alors qu'elle résidait sur cette terre qu'elle adulait tant désormais ? Incompréhension. Frustration. Toujours la même émotion qui envahissait et dévastait ses veines dans une sensation brûlante.
Mais aujourd'hui, l'accalmie. Le calme avant que la tempête ne se déchaîne de nouveau. Un peu de paix, juste un peu. Un soupçon. Rien ne durerait. Rien ne durait jamais. Elle était une créature du chaos et embrassait parfaitement sa nature.

Dévisager cette ennemie qui lui faisait face - celle même qui l'empêchait de se plonger dans cette brume désoriantante quand elle le désirait, la poursuivait pour lui faire respecter les lois arbitraires décidées par quelques horribles personnes ayant décidés de se mettre au-dessus des autres. Des êtres hautains et imbus d'eux-mêmes qui estimaient avoir le droit de regarder de haut ceux qui ne possédaient pas leur charisme, leur statut. Pas surprenant. Si la garde pensait pouvoir échapper au cynisme et la mauvaise foi de celle aux cheveux bleus, elle se méprenait entièrement.  
Tu ne connais rien de moi. Je doute même que tu saches comment je m'appelle. Alors... Alors qu'Elysian avait fait ses recherches, de son côté - intrigue poussée au sujet de celle qui était tout près d'elle. Intrigue tournant presque à l'obsession quand elle désirait connaître, savoir. Comprendre. Comprendre les motivations. Comprendre comment mieux l'éviter, au passage.

Dans un geste rapide, elle avait enlevé sa veste et l'avait posé avec soin sur le dossier de la chaise, laissant ainsi aux potentiels regards curieux la possibilité de voir les cicatrices multiples qui s'étendaient sur son corps. Dont celle dans son dos que son chandail ouvert à ce niveau laissait voir.
Mais elle, elle s'en foutait. Les blessures faisaient partie d'elle et de son passé qu'elle s'acharnait à tenter de retrouver. Elle n'en avait pas honte, et personne ne serait en mesure de la dégoûter de ces traces. Je viens régulièrement en dehors de tes heures de passage. J'aime tester les divers coktails. Tu prends toujours le même breuvage ? Blue Lagoon, c'est bien ça ? Et désormais, sur ses lèvres se dessinait un sourire énigmatique alors qu'elle avait posé les lèvres sur le verre qui venait de lui être apporté. D'un geste de tête, remercier la barman en laissant quelques tickets sur le comptoir - en tant que tip.

Et...
Une réflexion.
Les étincelles dans son regard qui s'agitent.
Une décision - la détermination qui s'enflamme.

Je dois te poser une question.

Pour toujours – ennemies qui se tournaient autour; Elysian ne laisserait pas le drapeau blanc être dressé. Elle le brûlerait pour mieux le contempler, pour dégager du bout de sa botte les cendres, gisements sur le sol. Je sais. Pourquoi sa Némésis aurait-elle tenté de la connaître, n’est-ce pas ? Mais la déchue considérait que connaître l’adversaire était le meilleur moyen de le vaincre – avait tenté de récolter la moindre miette d’information qu’elle pouvait; n’avait pas terminé. Un jour, Samuelle ne posséderait plus le moindre secret pour l’agente de sécurité; tout sera possédé, compris, pris entre ses mains pour les garder précieusement, dans le but inévitable de les utiliser à ses fins. Les batailles ne cessaient de s’enchaîner, la paix n’était point permise; ici, c’était le purgatoire et elle l’avait parfaitement bien compris. Elle l’avait parfaitement bien accepté. L’étincelle d’un incendie un peu trop puissant dansait dans son regard posé sur celle qui lui faisait face.
Les yeux sur elle ne la dérangeaient pas. Elle avait cette habitude – ne pouvait savoir ce qui avait causé toutes les marques qu’elle possédait sur le corps; ne pouvait que supposer. L’irritation, la frustration, que de telles conjectures provoquait en elle était impossible à décrire. Mais qu’on la dévisage en se demandant les mêmes questions qu’elle se posait ne la dérangeait aucunement; ne lui provoquait même pas un cynique sourire en coin.

Et à l’aube de leurs déraisons mutuelles, elles s’épuiseraient, laisseraient l’énergie emmagasinée être absorbée par la violence qui liait leurs mains. Cette puissante opposition aimantée que n’importe qui pouvait sentir lorsque proche – une animosité palpable qui rendait l’ambiance électrique. Elysian avait posé sa main sur sa joue en observant Samuelle – rictus toujours bien présent sur ses lèvres asséchées par un manque d’hydratation évident.
Si Samuelle était l’ange de l’île; Elysian en était le démon – les opposés s’incarnaient en leur personne et nul ne pouvait dire le contraire. Le rouge et le bleu formaient un contraste déconcertant alors que les énergies dégagées étaient à l’extrême l’une et l’autre. Une dans la loi, une submersive – tous les séparait. Et pourtant, toujours les chemins se croisaient.

Elle avait plongé son regard hypnotisant dans celui de son interlocutrice, l’index tapotant sa joue alors qu’un sourire fin, mystérieux, était apparu de nouveau. Et si je te disais que je t’avais espionné, qu’est-ce que tu pourrais faire ? Une parole n’était point suffisant pour agir, pour imposer conséquences – Samuelle ne pourrait jamais prouver que c’était ce qui s’était produit et qu’elle n’avait pas tout simplement interroger les insulaires en quête de réponses. Je n’aurais jamais mêlé notre douce barmaid à nos histoires. Elle n’a pas besoin de ça. Euphialtes avait toujours été gentille et avenante envers l’anarchiste – poussant Elysian à la protéger, comme elle protégeait n’importe qui qui se trouvait à être faible. Le loup qui s’éprenait des agneaux, peut-être. Mais la faiblesse des autres ne devait être utilisé comme outil pour obtenir ce qui était souhaité – il fallait s’en prendre à ceux qui pouvaient s’imposer.

J’ai su que le rouge me porterait malheur à l’instant où je t’ai vu. siffla-t-elle en réponse à la pique de Samuelle; refusant de se laisser attaquer sans répliquer. La meilleure des défenses n’était-elle donc pas l’attaque ?
Mais il fallait faire une pause; laisser l’oxygène revenir et surtout; prendre le temps de questionner. As-tu eu un étrange rêve pas rêve dernièrement ? Du genre, qui semble beaucoup trop étrange pour être la réalité, mais qui laisse quand même des traces, chose qu’un songe ne ferait pas ?
Parce qu’Elysian avait besoin de savoir – parce qu’elle avait failli y laisser la vie et qu’elle ne comprenait absolument pas ce qui s’était passé. Endormie sur un toit, réveillée dans une brume trop épaisse, trop silencieuse… Trop menaçante. Cette île était hantée; elle était condamnée. C’était l’apocalypse même qui se préparait.
Ils étaient des Damnés qui brûlaient dans les flammes de l’Enfer; mais elle ne se laisserait pas faire et réfuterait le sort qui leur avait été imposé parce qu’Il n’eut point la décence de leur laisser la possibilité d’expier les fautes. Lui qu’on disait si miséricordieux.