Les éraflures sur ses mitaines renforcées témoignaient des épreuves de son passé désagrégé. Épiderme dans un état similaire, son regard ambré caressait des yeux sa peau malmenée et cicatrisée avec curiosité. Chaque marque avait sa raison d'exister, de sublimer son corps, mais ces raisons restaient floues et impénétrables, telles les voies de Celui qui les forçait à rester là. Qu'avaient-ils fait pour mériter d'être ainsi oubliés, négligés, abandonnés ? Confiance aveugle que la gardienne de la paix possédait auparavant, cette même confiance s'était faite piétiner au fil du temps et des évènements. Pas de réponse ni de signe, le simple néant. Peut-être n'existait-Il pas, ou plutôt, n'était pas aussi clément que les saints écrits prétendaient. Ça devait être surement ça, oui.
Mais elle n'avait pas le temps de flâner. La journée venait de commencer.
Entraînement matinal effectué, la demoiselle termina d'enfiler sa tenue de garde avant d'entrer dans l'armurerie pour récupérer son équipement. Arme acquise, elle l'observa un instant avant de ressortir de la pièce. Avoir une routine ne lui déplaisait pas forcément; savoir de quoi serait fait le lendemain lui donnait un sentiment de contrôle sur son destin.

De retour dans la salle de surveillance, elle s'avança vers la porte d'entrée jusqu'à ce que son chef entre dans la pièce, une tasse de café pendue à ses lèvres. "Bonjour Ahmès." Fit la seconde avant de faire tournoyer la matraque entre ses pattes. Expression sérieuse qu'il arborait en permanence, elle reprit son chemin vers l'extérieur avant d'entendre que son supérieur lui confiait une mission de la plus haute importance. " 'Suis flattée. Un problème ?" Demanda-t-elle avant de suivre son regard. Les caméras de surveillance ? Une activité douteuse ? Ici même ? L'Australienne leva un sourcil en guise d'interrogation. "Personne n'est censé pouvoir accéder à l'armurerie mis à part les gardes. Si y'a une activité suspecte ça veut dire que ..." Elle resta silencieuse un instant. "Gotcha boss. J'vais envoyer quelqu'un d'autre patrouiller à ma place. À toute'."

Seule face au mur d'écran, Samuelle sortit un bloc-note et commença à inscrire les allées et venues des divers membres de la garde. Que ce soit ses propres passages, ceux de Maarten, d'Ahmès ou du reste. Elle ne comprenait pas ce qu'activité suspecte sous entendait; elle pariait sur un vol de matériel. Mais les enregistrements s'enchaînaient et personne ne semblait être coupable de quoi que ce soit. Pas de vol, pas de regards en arrière, de simples passages pour récupérer et déposer leurs équipements. Tête prise entre ses phalanges, la demoiselle jeta un oeil au bout de papier griffonné. Peut-être que quelqu'un n'était pas revenu d'une patrouille ? Non plus. Les caméras prouvaient l'honnêteté de tous les membres de la garde; sauf si elle avait fait une erreur de jugement. Ou sauf s'il avait fait une erreur de jugement. Non. Elle ne pouvait pas douter de lui comme ça. Elle avait foi en ses capacités. Alors elle se redressa et partit dans l'armurerie pour en récupérer l'inventaire de la semaine et compara les résultats avec les différents passages. Un indice se trouvait là-dedans, forcément.

Peut-être que douter de la sincérité des autres n'était pas nécessaire au final. Face au résultat de son analyse, de ses recherches finalement fructueuses, Samuelle ne put résister à l'envie de sourire en coin. Parler de traitre, de mauvaises intentions et de chasse à l'homme lui avait miné son moral d'ores et déjà extrêmement fragile, mais la futilité et la simplicité de la réponse trouvée la faisait rire. Alors, tandis que son esprit reconstituait peu à peu les pièces de ce puzzle découlant d'une faute d'inattention dépourvue de la moindre once de malveillance, des pas retentirent derrière elle. La bras-droit se redressa alors, fiche d'inventaire entre les pattes. Ahmès était revenu pile au bon moment. "Re chef."  Commença-t-elle avant de reposer le bout de papier à l'endroit désigné. "J'ai effectivement percé à jour le mystère de l'activité suspecte, oui." Une certaine fierté transparaissait de sa voix; il s'agissait plutôt d'un soulagement intense. "Maarten est le coupable d'un crime extrêmement violent. Que dis-je, de la pire infamie possible." Elle savourait ce moment. Savoir que sa seule erreur fut d'avoir manqué de rigueur. "Il n'a pas rangé sa matraque au bon endroit et a dû la poser à un endroit inadéquat. Il est même possible qu'elle soit tombée derrière le comptoir. En conséquence, la personne chargée de l'inventaire à ce moment ne l'a pas vu et a noté qu'une matraque manquait. Mais il l'avait effectivement rendu, j'ai noté tous ses allés-retours. Il ne cachait rien j'en suis certaine." Exposition terminée, elle s'adossa contre le mur de l'armurerie, sous la caméra pour être plus exact. "Je suis heureuse de savoir que nous sommes tous soudés. Mais il reste à déterminer où elle est passée et ..."

Mais avant même qu'elle ne puisse continuer sa phrase, elle entendit un simple mot s'échapper des lippes de son supérieur avant que ces dernières ne s'étirent dans un doux sourire. Un peu embarrassée, elle baissa les yeux. "Oh. Hm. C'est mon travail." Répondit-elle, ravie de voir que ses efforts étaient notés. Elle observa alors la cigarette qui pendait du visage d'Ahmès. "J'espère que ton affaire urgente s'est bien passée. Pas de tout repos visiblement si ça t'a donné envie de fumer." Elle ne cherchait pas à connaître les détails, loin de là.